Françoise Sémiramoth artiste plasticienne

Tu vis à Marseille depuis l’an 2000, est-ce un hasard que tu te sois retrouvée dans cette ville ?

Non, je ne pense pas que ce soit un hasard, j’étais déjà venue à Marseille plusieurs fois et je suis tombée sous le charme de la ville. Finalement j’ai trouvé que c’était un bon compromis entre les Antilles et la métropole.

Peux-tu nous parler de ton parcours artistique ?

J’ai baigné dedans quand j’étais petite puisque mon père est artiste-peintre. Après j’ai eu un parcours classique, le bac, des études d’anglais… Et au fil des rencontres je me suis dit qu’il fallait que je prenne les pinceaux.
J’ai commencé à peindre et il m’a manqué plus de connaissances pour étoffer mon travail de plasticienne.
Je suis rentrée à l’Ecole du Louvre et j’ai appris l’histoire de l’Art en me spécialisant dans l’art Africain et Océanien. A côté de cela je faisait mes propres recherches, notamment dans les musées, je me suis interressée à l’art contemporain… tout cela m’a permis de développer mon travail.

Comment définis-tu peinture, et quels sont tes thèmes de prédilection ?

C’est une peinture qui est dans son temps. Aujourd’hui je n’ai pas forcément de thèmes de prédilection, je travaille sur ce que je peux ressentir par rapport à une situation que je vis, des prises de position sur certains sujets. C’est vrai que j’ai pu travailler sur des thèmes particuliers, comme la famille, parce que c’était pour moi une nécessité de travailler sur ce thème-là, peut-être une façon de m’émanciper de ma famille. J’ai notamment travaillé sur les portraits de mes grands-parents et arrières grand-parents, avec ma vision personnelle, mon ressenti. Mais au fil du temps on aborde d’autre sujets, qui sont plus profonds, beaucoup plus intimes.

Tu as créé sur des thèmes émanant d’une réflexion identitaire, comme le travail que tu as fait sur la toile de lin, que tu mets en relation avec la peau. Cet aspect de ton travail a t-il été particulièrement important ?

Oui, j’ai abordé ce travail en arrivant à Marseille : je me trouvais dans un nouveau « milieu naturel », où je ne connaissais personne : dans ce cas il y a un questionnement sur son identité, on a des repères à prendre. Et finalement il m’est apparu nécessaire à ce moment-là de travailler sur la peau, les traces que la vie, que le temps peuvent laisser sur notre peau, des traces que l’on peut retrouver sur les arbres. J’ai voulu faire ce travail-là avec l’utilisation d’un certain tissage du lin, d’une certaine symbolique géométrique, tout en faisant appel à mes connaissances en art Africain.

Aujourd’hui, te revendiques-tu comme une artiste caribénne, une artiste du monde, une artiste tout court ?

Dans un premier temps je dirais artiste « tout-court », artiste du monde bien évidemment, et après qui veut bien me mettre dans une case me met dans une case. Les expositions auxquelles j’ai participées et auxquelles je vais participer prochainement à l’étranger, ne me placent pas dans une catégorie particulière.
En France c’est vrai que c’est différent.
Cela dit je ne refuse pas que l’on m’associe à l’art caribéen, mais encore faut-il que je sois d’accord, en fait tout dépend du contexte dans lequel on veut m’y associer…

Quel est ton opinion sur la représentation de l’art Caribéen en métropole, et en particulier à Marseille ?Penses-tu qu’on lui accorde une place suffisante ?

A Marseille… c’est inexistant. En métropole… presque inexistant. Cela dit il semblerait que les choses soient un peu en train d’évoluer, avec une grosse exposition qui a lieu en ce moment à la Villette, la Kréol Factory , mais il reste un gros travail à faire, c’est un terrain en friche. Je souhaite vraiment m’impliquer dans ce travail sur Marseille. Nous nous sentons isolés, il n’y a pas assez de pont entre ce que les artistes font là-bas et ce que nous faisons ici.
Cela pourrait être très interressant de croiser nos regards.

On t’a vue récemment dans les manifestations de soutien aux DOM qui ont été organisées à Marseille suite aux événements vécus actuellement, tu as même apporté ta contribution en créant une banderole « solidarité avec les DOM » : est-ce uniquement lié au fait que ton pays avait besoin de ton soutien à ce moment-là, ou cela fait-il partie d’une façon d’être ? Es-tu une artiste militante ?

Oui, depuis à peu près l’âge de vingt ans, j’ai toujours été militante. Quand j’étais sur Paris, je participais à des émissions de radios, je faisais partie d’un groupe de rap qui était assez engagé, voire très engagé. En arrivant à Marseille je me suis retrouvée un peu isolée par rapport à cet engagement. Et finalement quand les événements ont commencé dans les DOM j’ai agit naturellement, sans me poser de questions.

Penses-tu justement que la culture, l’art puisse contribuer à l’épanouissement de la société en général, et de la société guadeloupéenne en particulier ?

Déjà, un artiste se doit d’avoir une certaine forme de liberté. Par son travail, par sa position, une fois qu’il a accepté ça (parce que c’est un dur labeur d’être libre, ce n’est pas si simple que ça) l’artiste peut faire passer tellement de choses, que ce soit en peinture, en écriture, en musique, et j’en passe… c’est le seul moyen que l’on a d’avoir le droit de dire ce que l’on a à dire. Après on peut être censuré, mais il reste une trace. Et la création en règle générale, donne cette possibilité de laisser une trace. Pour le cas des Antilles en particulier, la « communauté » des artistes a beaucoup à faire en ce sens. Le meilleur exemple pour moi c’est Aimé Césaire, qui a laissé sa trace avec l’écriture, la poésie…

Pour finir peux-tu nous parler de ton actualité ? Quelles sont tes prochaines expos, tes projets ?

Alors d’abord il y a Dubai à partir du 3 mai 2009 pour 3 semaines, avec une exposition collective d’art contemporain « La Compagnie des Artistes Associés », à la Cuadro Arts Fine Gallery. Nous serons huit artistes internationaux. J’y représenterai la France.
Ensuite je pars en résidence à la TactileBOSCH Gallery de Cardiff du 23 mai au 13 juin.
C’est aussi une exposition collective, mais là il s’agira de créer sur place.
Au mois de septembre j’expose à la Poissonnerie, une galerie d’art située dans le quartier d’Endoume à Marseille…

Mes projets ? Continuer à peindre…

Le 11 avril 2009
Mona Georgelin

Contacter Françoise Sémiramoth : Mail : semiramoth@gmail.com

Photos : Azedine Hsissou (sauf photo de la manifestation avec la banderolle)

 

error: Content is protected !!