Esclavage et abolition

LA TRAITE DES NEGRES ET LE COMMERCE TRIANGULAIRE

La traite des Nègres de l’Afrique vers l’Europe a été pratiquée dès 1441 par les portugais qui ont été les premiers à franchir le Cap de Boujdour, sur les côtes d’Afrique de l’Ouest. En 1454, le pape Nicolas V a autorisé le roi Alfonso V à organiser la traite. Les esclaves ont ensuite été affectés aux plantations de cannes à sucre des Açores et de Madère. Puis les portugais et les espagnols ont commencé à pratiquer la traite vers leurs colonies d’Amérique (Christophe Colomb avait déjà embarqué des Noirs lors de son deuxième voyage vers les Amériques en 1493).
Le traité de Tordesillas signé en 1494 a partagé le nouveau monde entre l’Espagne et le Portugal : les terres découvertes et restant à découvrir en Amérique reviennent à l’Espagne, tandis que le Portugal détient les terres d’Afrique et de la pointe orientale du continent sud-américain (qui deviendra le Brésil).
Au 16ème siècle, portugais et espagnols sont à la tête d’un immense empire colonial. Les amérindiens présents sur les îles à leur arrivée, leur ont opposé une forte résistance. Beaucoup ont été massacrés, et leur nombre a considérablement diminué. En 1537, le pape Paul III condamne par écrit l’esclavage des amérindiens.
En 1550, les théologiens espagnols Juan Ginés de Sepulveda et Bartolomé de Las Casas s’opposent au sujet du sort des amérindiens : qui sont-ils ? Le premier pense que ce sont des êtres inférieurs, alors que le deuxième affirme qu’ils ont une âme. Ce débat, appelé la controverse de Valladolid, a lieu en présence du légat du Pape qui se prononce en faveur de la théorie de Las Casas.
Le monopole du nouveau monde par l’Espagne et le Portugal est de plus en plus contesté par les autres puissances coloniales qui sont également tournées vers une politique de mercantilisme : Angleterre, France et Hollande se livrent dès le 17ème siècle à la traite. La Hollande, qui a le monopole de l’asiento (*) s’est spécialisée dans la traite. Elle possède une grande et puissante flotte maritime, achète des esclaves en Afrique qu’elle revend aux français et aux anglais. Mais rapidement la France et l’Angleterre se mettent à pratiquer aussi la traite. Un système d’échanges commerciaux est mis en place afin de rentabiliser au maximum les expéditions.
C’est le début du commerce triangulaire. Des compagnies sont créées spécialement pour le commerce triangulaire, comme la Royal African company créée par l’Angleterre en 1672, ou la Compagnie du Sénégal (1673) et la Compagnie de Guinée (1684) créées par la France. Les grandes puissances européennes se sont forgées sur le commerce triangulaire qui leur a permis d’exploiter leurs colonies à moindres coûts. La France, qui détient avec Saint-Domingue l’île à sucre la plus productrice au 18ème siècle, s’est considérablement enrichie en revendant ses excédents de sucre aux pays du nord de l’Europe. Elle détient, après le Portugal et la Grande-Bretagne, le rang de 3ème grande puissance négrière.
Jusqu’à l’arrivée des courants de pensée humaniste à la fin du 18ème siècle, la traite des Noirs sera pratiquée par toutes les puissances européennes en toute bonne conscience et avec le soutien des autorités. Les centres de traite ont fourni jusqu’à la fin du 19ème siècle entre 12 et 15 millions d’esclaves dans les colonies, afin que les européens puissent consommer du sucre.

(*) Asiento : L’Espagne « sous-traite » le commerce des esclaves. Cette pratique porte le nom d' »asiento ».
L’Espagne en confie le monopole au Portugal au 16ème siècle, à la Hollande au 17ème siècle, à la France de 1701à 1713… L’asiento prend fin en 1817 quand l’Espagne signe l’abolition de la traite des Noirs.

LES EXPEDITIONS

Les expéditions du trafic triangulaire durent en moyenne 18 mois.
Les négociants européens affrêtent des navires négriers remplis de produits d’échange (étoffes, bijoux de verres, armes…) en transmettant leurs consignes au capitaine sur le nombre d’esclaves à acheter et les tarifs à négocier. Les centres de traite se situent sur la côte Ouest de l’Afrique : Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée, Sierra Leone, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Benin, Nigeria, Cameroun, Gabon, Congo, Angola.
Les captifs sont amenés par des intermédiaires (qui peuvent être des marchands maures ou des mercenaires européens). Arrivés sur les comptoirs de traite ils sont exposés, et les négriers échangent les produits venus d’Europe contre des lots d’esclaves. Ils se fournissent dans plusieurs centres et il leur faut parfois plusieurs mois pour remplir le navire, pendant lesquels le capitaine redoute d’éventuelles révoltes.
Dans les navires, les esclaves sont entassés nus dans des cales de 1m50 maximum de hauteur. Leur nombre dépasse de loin la capacité du navire.
Puis commence le long voyage (jusqu’à deux mois) vers les Amériques, pendant lequel 15% des esclaves meurent. Parfois les esclaves tentent de se révolter, mais si la révolte échoue, les meneurs sont tués, et si elle réussit (ce qui est rare), les esclaves sont condamnés à mourir dans un navire qu’ils ne savent pas diriger.
Une fois la traversée terminée, les esclaves épuisés et sous-alimentés sont remis en état avant d’être exposés sur les marchés aux esclaves des Amériques par lots appelés « pièces d’Indes ». Les planteurs, après les avoir soigneusement examinés, négocient le prix. Puis les esclaves sont marqués au fer brûlant des initiales de leur nouveau maître qui les conduit vers l’habitation afin de rentabiliser son acquisition.

LES HABITATIONS

Les grandes habitations regroupent les terres destinées aux cultures (canne à sucre, café, coton…), les ateliers de production, la maison du maître, les dépendances, les cases des esclaves… Ces derniers sont affectés en fonction de leur âge et de leur sexe à différents travaux : plantations et ateliers de production (les plus difficiles et où travaillent la majorité des esclaves), mais aussi aux travaux domestiques et à des métiers plus spécialisés comme charpentiers, forgerons…
Les colonies des Antilles ont connu un véritable essor grâce à l’utilisation intensive des esclaves dans les habitations sucrières, organisées de façon rigoureuse.
Le maître a sous ses ordres un économe qui gère les finances, et un régisseur chargé de superviser l’exploitation agricole. Ces derniers dirigent un ou plusieurs commandeurs, souvent noirs ou mulâtres, qui gèrent le travail dans les plantations et doivent faire en sorte que les objectifs soient atteints. Ils arpentent les plantations à cheval. Les esclaves travaillent dès l’aube sous la surveillance du commandeur armé de son fouet. Il a sous ses ordres les sarcleurs, les coupeurs de canne, les amarreuses (femmes qui doivent lier les cannes coupées en paquets). La canne est transportée dans les ateliers de production à dos de mulet, mené par le muletier, ou sur un cabrouet que dirige le cabrouettier… Ce ne sont que quelques exemples, la fabrication du sucre ou du rhum (appelé à l’époque « guildive ») impliquant des tâches difficiles et extrémement dangereuses dans les moulins de broyage et les chaudières.
Les jours de repos sont rares, ils n’ont en principe qu’un samedi tous les 15 jours, qui peut être supprimé en cas de besoin. Ils sont mal nourris et pour améliorer leur quotidien et celui de leur famille ils doivent encore après leur journée de travail cultiver le « jardin à Nègre » qui leur a été attribué.
Beaucoup d’esclaves meurent très jeunes, usés par un travail difficile et dangereux, par les châtiments corporels et par les maladies.
Les femmes sont violées par les maîtres ou les régisseurs, donnant naissance à des « mulâtres » qui naissent esclaves et appartiennent au maître.

LE CODE NOIR

En 1685, Louis XIV promulgue le code noir, rédigé par Colbert avant sa mort. Les esclaves y sont traités comme des biens mobiliers.
L’article 38 concerne le marronnage : L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis sur une épaule.
Et s’il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d’une fleur de lis sur
l’ autre épaule. Et la troisième fois il sera puni de mort.

LA RESISTANCE DES ESCLAVES

Elle s’est organisée dès le début de la traite, à bord des navires négriers. Ensuite dans le refus d’intégrer la culture européenne qu’on tente de leur imposer : ils continuent de pratiquer leurs rites religieux et la résistance se fait dans les chants, la danse, les traditions orales. Ils résistent aussi par le suicide, ou chez les femmes l’avortement. Puis vient le marronnage : ils fuient les plantations pour se réfugier dans les hauteurs des colonies. Les « marrons » (ou « maroons » en anglais) se réunissent dans des camps où certains restent pendant plusieurs années. Les colons organisent des patrouilles armées avec des chiens dressés à les retrouver, et ceux qui sont pris sont torturés, mutilés ou tués selon la durée du marronnage. Des textes officiels sont prévus en ce sens, comme le code noir (voir ci-contre) .
Au Nord-Ouest de la Jamaïque, dans la région inaccessible de « Cockpit Country », ainsi qu’à l’est dans la région des « blue montains », se trouvent d’importants camps de marrons. Parmi leur leader Grandy Nanny est considérée comme la « mère des marrons » et fait aujourd’hui figure d’héroïne nationale en Jamaïque.
Les marrons de Cockpit Country organisent une guerilla afin d’obtenir leur autonomie. Ils signent en 1738 un traité de paix avec les autorités britanniques, en contre-partie duquel ils s’engagent à leur livrer tout nouvel esclave fugitif et à les aider à mater les révoltes.
Une autre forme de résistance, hantise des planteurs, est en effet la révolte des esclaves. Elles ont eu lieu dès le début du 16ème siècle dans toutes les colonies d’Amérique.
Parmi les insurrections d’esclaves, certaines se sont démarquées par leur ampleur et leurs conséquences.
En mai 1760, sous les ordres de Tacky, chef de tribu de Guinée, des centaines d’esclaves jamaïcains attaquent plusieurs habitations en tuant les colons. La révolte prenant de l’ampleur, les autorités britanniques demandent l’aide des maroons selon le traité de 1738. Tacky est tué, et des centaines d’esclaves préfèrent se suicider plutôt que de rejoindre les habitations.

Bien avant que des idées abolitionnistes émergent chez les européens, les Noirs se sont battus au prix de leur vie pour leur liberté.

LES QUAKERS : PREMIERS ABOLITIONNISTES

Les premiers mouvements abolitionnistes ont vu le jour à la fin du 18ème siècle : Parmi les colonies anglaises d’Amérique du Nord, celle de Pennsylvanie est principalement représentée par la communauté protestante des Quakers qui dénonce l’esclavage. En 1776, alors qu’à démarré la guerre d’indépendance, ils commencent par interdire l’esclavage au sein de leur communauté. Puis ils s’efforcent d’étendre leur action aux autres colonies d’Amérique. Les états du Nord abolissent l’esclavage en 1787. Le combat des Quakers se diffuse en Grande-Bretagne et de nouveaux mouvements apparaissent, comme la Société britannique pour l’abolition de la traite fondée en 1787. Parmi les député anglais se trouve William Wilberforce, ardent anti-esclavagiste. Le parlement britannique se voit contraint d’examiner le sort des esclaves.
La Grande-Bretagne sera l’un des premiers pays européens à abolir la traite, et fera pression pour que les autres fassent de même.
A noter également : en 1760 les autorités hollandaises signent un traité de paix avec les marrons de la Guyane hollandaise (Beaucoup vivent aujourd’hui en Guyane française).

OLAUDAH EQUIANO, OU GUSTAVUS VASSA L’AFRICAIN

Il est né vers 1745 dans une famille riche et titrée du Nigeria. Enlevé à l’âge de 11 ans avec sa petite soeur, il est vendu comme esclave dans une plantation en Virginie, puis racheté par un officier de la marine britannique. Il l’emmène à Londres, lui append le métier de soldat pendant la guerre de 7 ans (1756-1763), le fait baptiser et lui apprend à lire et à écrire. Puis il est revendu à la fin de la guerre à un négociant de Montserrat, et il est même chargé de vendre des esclaves. Après avoir pu racheter sa liberté, il tente sa chance comme coiffeur, marin, et même planteur… avant de retourner à Londres à la fin des années 1770. C’est à ce moment-là que commence sa lutte abolitionniste, avec des pétitions, des lettres à la couronne, la publication d’articles et de ses mémoires en 1789. Il y fait entre autre état des mauvais traitements infligés aux esclaves. Il poursuivra son combat aux côtés des Quakers et autres abolitionnistes, jusqu’à sa mort en 1797. Son oeuvre aura de l’ influence sur l’abolition, qu’il n’aura pas le temps de connaître.

REVOLUTION FRANCAISE ET CONSULAT : ABOLITION ET RETABLISSEMENT

En France, les événements de la révolution française sont étroitement liés à l’histoire des colonies. Parmi les opposants à la monarchie se trouve la Société des Amis des Noirs fondée en 1788 sur le modèle des britanniques, et qui sera plus tard présidée par l’Abbé Grégoire. Après la prise de la Bastille les droits féodaux sont abolis et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen est adoptée. Dans les colonies plus que jamais les esclaves aspirent à la liberté, et les libres de couleur à l’égalité. Les révoltes s’organisent.
En 1791 la révolte des esclaves de Saint-Domingue débute, menée par Toussaint Louverture. Au pied du mur, les commissaires de la République envoyés pour rétablir l’ordre libèrent les esclaves en 1793. La convention se soumet à cette décision et abolit l’esclavage dans toutes les colonies françaises en 1794. La Martinique, qui vient d’être prise par les anglais, n’applique pas le décret. En Guadeloupe il est appliqué, mais le travail forcé remplace l’esclavage. La Réunion et l’île de France (île Maurice) refusent d’appliquer le décret…
L’Espagne est encore loin de penser à l’abolition. La révolution de Saint-Domingue a profité à Cuba, qui est en passe de devenir le premier producteur mondial de sucre grâce à l’introduction massive d’esclaves. Les camps de marrons se développent et en 1796, les autorités coloniales mettent en place un règlement afin de combattre le marronnage.
Dans les colonies françaises, l’esclavage est rétabli par Napoléon Bonaparte devenu consul en 1802. Des commissaires civils sont chargés de se rendre dans les colonies pour faire appliquer ce décret.
En Guadeloupe, le métis Louis Delgrès organise la résistance.
28 mai 1802 : Delgrès et ses 300 hommes, presque à court de munitions, sont contraints de se replier sur les hauteurs de Basse-Terre, poursuivis par les soldats de Napoléon bien plus nombreux. Respectant leur devise « vivre libre ou mourir », ils se font sauter à l’explosif.
A Saint-Domingue, Toussaint Louverture est fait prisonnier, et le combat est repris par Jean-Jacques Dessalines. Après la défaite de l’armée napoléonienne, la colonie devient la première république noire en 1804.

ABOLITION DE LA TRAITE

Le Danemark abolit la traite des esclaves en 1803.
Sous la pression des abolitionnistes, l’Angleterre et les Etat-unis abolissent la traite en 1807.
En 1813, la Suède fait de même, suivie l’année suivante par les Pays-Bas.
La France abolit la traite en 1815, après la chute de Napoléon. La monarchie est restaurée, redonnant aux planteurs l’espoir d’un retour à l’ancien régime.
On est encore loin de l’abolition de l’esclavage. Et dans un contexte économique rendu difficile par la concurrence du sucre cubain et du sucre de betterave qui commence à se développer, les conditions de vie des esclaves sont loin de s’améliorer. De plus, malgré l’abolition la traite continue de façon clandestine.

DIFFUSION DES IDEES ABOLITIONNISTES

Les mouvements abolitionnistes se développent , que ce soit du côté des Noirs avec les révoltes et le marronnage, ou du côté des « libres de couleur » et des Blancs anti-esclavagistes avec des pétitions, la publication d’ouvrages…
En 1822, une révolte éclate au Carbet, en Martinique. Des dizaines d’esclaves armés tuent et blessent plusieurs colons avant de s’enfuir. Parmi les 60 esclaves retrouvés par les autorités, une vingtaine aura la tête tranchée.
Certaines révoltes se sont transformées en véritables guerres, comme la « Baptist war » en Jamaïque en 1831, où 60.000 des 300.0000 esclaves se soulèvent pendant 10 jours avant d’être matés par les forces britanniques.
En Martinique, le libre de couleur Cyrille Bissette fait circuler en 1823 une brochure dénonçant les inégalités entre les libres de couleur et les Blancs. Arrêté, la cour royale le fait marquer au fer rouge et le condamne aux galères à perpétuité. Après avoir obtenu un allègement de sa peine, il fonde en 1834 La Revue des Colonies et se lance dans la lutte contre l’esclavage.
En métropole, les interventions des hommes politiques, hommes d’église et hommes de lettres se multiplient.
L’Abbé Grégoire, qui se bat contre l’esclavage depuis 1789, n’en est pas à sa première publication : il a déjà publié en 1808 « De la littérature des Nègres », un essai mettant en avant les facultés intellectuelles des Noirs, puis en 1815 « De la traite et de l’Esclavage des Noirs et des Blancs par un ami des hommes de toutes les couleurs ». Il publie « Des peines infamantes à infliger aux négriers » en 1822 et « De la noblesse de la peau ou du préjugé blanc contre la couleur des Africains  » en 1826. Il meurt en 1831, avant de voir l’aboutissement de son oeuvre.
La Société de la Morale Chrétienne est créée en 1822 et regroupe des libéraux opposés au régime de la restauration (Le duc d’Orléans, Adolphe Thiers…)
En 1830, après la révolution des « trois glorieuses », la France passe sous le régime de la monarchie parlementaire (monarchie de Juillet 1830-1848). Le duc d’Orléans devient le roi Louis-Philippe 1er, le « roi citoyen », et veut mettre fin aux abus du pouvoir royal.
En 1831, de vraies mesures sont prises par la France et l’Angleterre afin de combattre la traite illégale.
En 1833, la Grande-Bretagne abolit l’esclavage dans ses colonies.
La Société de la Morale Chrétienne crée en 1834 la Société Française pour l’Abolition de l’Esclavage. Elle compte parmi ses membres le jeune Victor Schoelcher, qui a tout juste 30 ans.
Différentes mesures sont prises entre 1834 et 1846 afin d’améliorer les conditions de vie des esclaves : incitation aux affranchissements, interdiction des mutilations, meilleures conditions d’hygiène et instruction des esclaves … Les châtiments envers les esclaves sont portés en justice (malheureusement cette dernière se montre souvent clémente envers les maîtres).
Les libres de couleurs retrouvent leur doit civils et politiques acquis en 1792 et perdus en 1802.
Le gouvernement de la monarchie de juillet est en faveur d’une abolition progressive de l’esclavage.

VICTOR SCHOELCHER

Il a commencé son combat dès 1830, après avoir découvert lors de ses voyages en Amérique et aux Antilles les conditions de vie des esclaves. D’abord partisan d’une libération progressive, il préconise en 1838 leur libération immédiate. Il publie en 1842 « Des colonies françaises, abolition immédiate de l’esclavage », dans lequel il s’adresse aux planteurs, leur affirmant sa volonté d’émanciper les esclaves sans perdre de vue la prospérité des colonies. Il préconise pour cela l’interdiction du sucre de betterave au profit du sucre de canne.
La France subit une crise agricole et financière à partir de 1846.
Le roi Louis-Philippe 1er, devenu impopulaire, est victime d’une insurrection du peuple qui l’oblige à s’exiler.
La deuxième république est proclamée en février 1848, et un gouvernement provisoire est nommé. Victor Schoelcher obtient le poste de sous-secrétaire d’état à la marine et aux colonies.
En Mars 1848 il préside la commission chargée d’abolir l’esclavage dans les colonies.

ABOLITION DE L’ESCLAVAGE

Victor Schoelcher fait signer le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 27 avril 1848.
9 articles sont promulgués, dont voici les premiers.
Article 1er : l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront abolument interdits.
Article 2 : le système d' »engagement à temps » (*) établi au Sénégal est supprimé.
Article 3 : Les gouverneurs ou commissaires généraux de la république sont chargés d’appliquer l’ensemble des mesures propres à assurer la liberté à la Martinique, à la Guadeloupe et dépendances, à l’île de la Réunion, à la Guyane, au Sénégal et autres établissements français de la côte occidentale d’Afrique, à l’île Mayotte et dépendances et en Algérie.
Article 4 : sont amnistiés les anciens esclaves condamnés à des peines afflictives ou correctionnelles pour des faits qui , imputés à des hommes libres, n’auraient point entraîné ce châtiment. Son rappelés les individus déportés par mesure administrative.
Etc…
Les esclaves ne laissent pas aux commissaires de la république le temps d’arriver, notamment en Guadeloupe et en Martinique. Dans cette dernière, les esclaves se soulèvent. Le 22 mai, des émeutes éclatent à Saint-Pierre et au Prêcheur. Sous la pression, le gouverneur décide dès le lendemain de proclamer le décret d’abolition.
Le décret est appliqué en Martinique le 23 mai, et en Guadeloupe le 27 mai 1848.
L’esclavage est aboli le 10 août en Guyane, et le 20 décembre 1848 à la Réunion.
Près de 250 000 esclaves sont libérés dans les colonies françaises.
Seuls les colons recoivent des indemnités.
L’esclavage ne sera aboli aux Etats-Unis qu’en 1865, et à Cuba en 1886.

(*) Vers 1820, après l’abolition de la traite en France, le système d’engagement à temps a été mis au point au Sénégal, permettant aux planteurs de racheter des esclaves affranchis pour les mettre sous contrat pendant plusieurs années

LA COMMEMORATION DE L’ESCLAVAGE, DES TRAITES NEGRIERES ET DE LEURS ABOLITIONS

Grâce à Christiane Taubira, députée de Guyane, la loi adoptée par le Sénat le 10 mai 2001 et promulguée le 21 mai 2001 reconnaît l’esclavage et la traite négrière comme crimes contre l’humanité.
Le Comité pour l’Histoire et la Mémoire de l’Esclavage créé en 2004, a oeuvré dans la continuité de cette loi.
Le Président Jacques Chirac a annoncé officiellement en janvier 2006 que seront commémorées le 10 mai de chaque année les mémoires de l’esclavage, de la traite négrière et de leurs abolitions. Cette date, qui correspond donc à l’adoption de la loi Taubira, a donné lieu a beaucoup de polémiques, les associations et les partis politiques revendiquant notamment la date du 23 mai (le 23 mai 1998 une marche avait rassemblé à Paris environ 40.000 Français originaires des départements d’Outre-mer).
Pourquoi est-il aujourd’hui important de commémorer l’esclavage ?
Certains diront qu’il faut arrêter de s’attarder sur la passé pour aller de l’avant.
D’autres continueront de refouler, d’intérioriser ce passé trop lourd à porter, comme l’avaient déjà fait nos grand-parents, pour lesquels l’oubli était vital car les souffrances trop proches.
Pour ceux qui ont grandi avec ce « non-dit », ce gigantesque « secret de famille » qui les a privé de leur histoire mais aussi souvent des traditions culturelles héritées des esclaves, il n’a pas été facile de se construire.
Un proverbe africain nous dit avec beaucoup de sagesse : « si tu ne sais pas où tu vas, essaies de te souvenir d’où tu viens ».
Le peuple qui a hérité de ce passé est comme un être en pleine maturité, qui après avoir eu une enfance et une adolescence très perturbées a voulu chercher son identité.
Cet enfant a été arraché à ses parents, il a subi de mauvais traitements, des châtiments corporels, des viols, des frustrations morales. Adolescent, il a inconsciemment intériorisé ses souffrances. Devenu adulte, il a voulu rechercher les raisons de son mal-être et a décidé de fouiller dans son passé. Après y avoir trouvé certaines réponses, il a eu besoin pour pouvoir s’assumer que les coupables reconnaissent leurs torts.
Dans les années 1930, Aimé Césaire a revendiqué sa culture africaine, sa « Négritude ». C’était les premiers pas d’une quête identitaire qui a aujourd’hui déjà beaucoup évolué, en grande partie grâce aux écrivains Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau, Jean Bernabé et Edouard Glissant.
Aujourd’hui , les concepts de « Créolité » et « Créolisation » nous aident à prendre conscience de notre identité culturelle, nous ouvre la voie vers l’acceptation de notre passé donc de notre futur. La commémoration de l’esclavage fait partie de cette quête identitaire nécessaire à notre épanouissement.
Commémorer l’esclavage, c’est se réconcilier avec notre histoire et les acteurs de notre histoire, pour contribuer ensemble au bien-être des générations futures.

« Je ne suis pas prisonnier de l’histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée…
Je n’ai pas le droit de me laisser engluer par les déterminations du passé…
Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères. »
Citation Frantz FANON – Peau noire, masques blancs

 

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